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« Shooting War. Devons-nous fermer les yeux ? », sur Arte.tv : dans le cœur et les yeux des photographes de guerre

ARTE.TV – À LA DEMANDE – DOCUMENTAIRE
En 2022, le quotidien canadien The Globe and Mail invite à Toronto neuf célèbres photographes de guerre, femmes et hommes, pour évoquer leur métier et les raisons pour lesquelles ils ont choisi de risquer leur vie. Neuf témoins de première ligne qui, au fil des entretiens, n’hésiteront pas à remuer des pensées éprouvantes et évoquer des souvenirs traumatiques. Parmi eux, Tim Page (1944-2022), grièvement blessé dans une explosion au Vietnam en 1969. Et Joao Silva, amputé des deux jambes à 44 ans après avoir sauté sur une mine en Afghanistan en 2010.
Du Vietnam à Sarajevo, d’Afghanistan au Rwanda en passant par Haïti, les récits et images font mal. Comment ces photographes ont-ils pu résister face à certaines scènes ou lors de situations critiques ? « On apprend vite, ou on meurt », résume froidement l’un d’eux.
Le résultat de cette rencontre à Toronto a débouché sur ce documentaire bouleversant signé Patrick Dell, mêlant images (certaines à la limite du soutenable) et témoignages très personnels. Dans l’objectif de ces témoins, l’humanité dans ce qu’elle a souvent de pire. Et parfois de meilleur.
Interrogés individuellement et filmés sur fond noir, Tim Page, Carol Guzy, Ron Haviv, Laurence Geai, Goran Tomasevic, Corinne Dufka, Santiago Lyon, David Guttenfelder et Joao Silva racontent la manière dont ils sont devenus photographes de guerre. Les raisons sont multiples : « Je voulais voir l’histoire s’écrire sous mes yeux » pour l’une, « voyager, échapper à la vie de bureau » pour un autre.
Puis, évoquant les photos qui ont marqué leurs carrières, on entre dans le dur. Les images insoutenables, les blessures, les douleurs psychologiques. Et c’est alors qu’intervient un autre invité, Anthony Feinstein. Docteur en psychologie, il étudie depuis longtemps les maux spécifiques dont souffrent ces professionnels.
Le célèbre stress post-traumatique qui entraîne dépressions, addictions, parfois tentatives de suicide, touche les soldats mais aussi des photographes de guerre. Des photographes dont le métier est plus risqué qu’autrefois puisqu’ils sont régulièrement pris pour cible, ce qui n’était pas le cas par exemple au Vietnam. Un tournant qui date, selon les témoins de Toronto, de la guerre en ex-Yougoslavie.
En étudiant les troubles dont ils souffrent, Anthony Feinstein a identifié ce qu’il appelle « la blessure morale », causée au cerveau si vous avez assisté sans avoir pu les éviter à des actes qui enfreignent votre code de conduite morale.
Conscients d’avoir franchi une limite dangereuse, certains abandonnent : « Je quitte ce métier car je perds mon humanité », confie l’un des neuf invités. Mais il faut absolument continuer, par le biais des photos, à témoigner : « Ce que nous faisons est vital. Ce travail est une nécessité », résume Laurence Geai.
Shooting War. Devons-nous fermer les yeux ?, de Patrick Dell (Can., 2022, 65 min). Jusqu’au 30 mars 2025 sur Arte.tv.
Alain Constant
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